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La nature et le Prophète (SAW), l'école de la méditation

Je vous propose ici deux extraits de la Sîra du Prophète (SAW) illustrant sa relation à la nature et la place qu'il accordait à la méditation.

En contact avec la nature

"Muhammad (SAW), comme nous l'avons rappelé, fut durant sa jeunesse berger. Cette expérience lui permit en fait d'être en contact avec la nature, au coeur de laquelle, Dieu l'initia à la méditation et à la contemplation. Chaque musulman devrait, à la lumière de cet enseignement, s'initier à cette forme de pratique. Pour ce faire, le meilleur espace est sans doute la nature, loin du vacarme, du bruit et de la pollution. Ainsi, seras-tu mieux à même à contempler, avec profondeur, l'oeuvre de Dieu : les arbres, la verdure, les oiseaux qui déploient leurs ailes... D'ailleurs, ceci est un moyen efficace pour se remettre en question et, de fait, de se rapprocher du Divin. De plus, le métier de berger inculquait à Muhammad (SAW) la patience, car il n'est point aisé de s'occuper d'un troupeau de moutons. C'était, entre autres, une initiation symbolique, car plus tard, Muhammad (SAW) devait de la même façon éduquer et conduire la communauté vers le droit chemin. S'il fut poussé à exercer le métier de berger de moutons c'est parce que ces derniers se séparent et s'égarent facilement ; ainsi apprit-il à les garder ensemble, à les unir comme il allait devoir le faire avec sa communauté plus tard."

Extrait de "la sîra du Prophète (SAW) expliquée aux jeunes. Pour une réforme de la jeunesse musulmane" de Sofiane Meziani. Editions Maison d'Ennour

Une éducation, et la Nature

"La vie dans le désert va façonner l'homme et son regard sur les éléments et la Création.(...)  Le désert est le lieu des Prophéties parce qu'il offre naturellement aux regards de l'être humain les horizons de l'infini. Pour les nomades au déplacement perpétuel, la finitude dans l'espace se marie à un sens de la liberté mêlée, ici encore, à l'expérience de l'éphémère, de la vulnérabilité et de l'humilité. Le nomade apprend à passer, à se faire étranger, et à appréhender, au coeur de l'infini linéaire de l'espace, la finitude cyclique du temps : c'est l'expérience de la vie du croyant que le Prophète (SAW) décrira plus tard au jeune 'Abdallah Ibn 'Umar (QDA) en des termes qui rappellent cette dimension : "Sois sur la terre comme un étranger ou un passant" (al Bukhârî).

Ces premières années de la vie du Prophète (SAW) vont nourrir une relation tout à fait particulière avec la Nature, qui demeurera une constante tout au long de sa mission. L'univers est empli de signes qui rappellent la présence du Créateur et le désert, plus que tout autre, ouvre l'esprit humain à l'observation, à la méditation et à l'initiation au sens. Ainsi trouve-t-on de multiples versets du Coran qui renvoient au livre de la Création et à ses enseignements. Le désert, où la vie, la végétation et la verdure sont apparemment absentes, montre et prouve régulièrement à la conscience observatrice de l'homme la véracité du miracle du retour à la vie :

"C'est encore un de Ses signes, quand tu vois la terre qui était prostrée sous l'effet de la sécheresse, s'animer et s'épanouir, dès que Nous lui envoyons quelques ondées du ciel. Celui qui lui rend la vie est aussi Celui qui fait revivre les morts, car Sa Puissance n'a point de limite. " (sourate 41, "Fussilat", "les versets détaillés", verset 39)

Cette relation à la Nature fut telle dans la vie du Prophète (SAW), et ce dès son plus jeune âge (le message coranique est également traversé de tant de versets renvoyant le croyant à observer, à méditer et à voyager), qu'on parvient aisément à la conclusion que la vie à proximité de la Nature, dans son observation, sa compréhension et son respect, est un impératif de la foi profonde. Bien des années plus tard, alors que le Prophète (SAW) est à Médine, en butte aux conflits et aux guerres, la Révélation - au coeur de la nuit - tourne son regard vers un autre horizon de sens :

"En vérité, il y a dans la Création des Cieux et de la Terre et dans l'alternance de la nuit et du jour tant de signes pour des gens doués d'intelligence" (sourate 3, "âl Imrân", "la famille d'Imrane", verset 190)

Il est rapporté que le Prophète (SAW) pleura une nuit entière lorsque ce verset lui fut révélé. A l'aube, lorsque le muezzin Bilâl (QDA), venant faire l'appel à la prièe, le questionna sur la cause de ses larmes, il lui expliqua le sens de sa tristesse et ajouta : "Malheur à qui entend ce verset et ne le médite pas !". Un autre verset transmet le même enseignement en se référant à une multiplicité de signes :

"Dans la Création des Cieux et de la Terre, dans l'alternance de la nuit et du jour, dans les vaisseaux qui sillonnent la mer, chargés de tout ce qui peut être utile aux hommes ; dans l'eau que Dieu précipite du ciel pour vivifier la terre, après sa mort, et dans laquelle tant d'êtres vivants pullulent ; dans le régime des vents et dans les nuages astreints à évoluer entre ciel et terre ; dans tout  cela n'y a-t-il pas autant de signes éclatants pour ceux qui savent réfléchir ?" (sourate 2, "al Baqara", "la vache", verset 164)

Les premières années de la vie de Muhammad (SAW) ont sans l'ombre d'un doute façonné et préparé son regard à accueillir les signes de l'univers. On peut en tirer un enseignement spirituel de première importance pour l'éducation du Prophète (SAW) autant que pour notre éducation à travers les âges : la proximité de la Nature, le respect de ce qu'elle est, de même que l'observation et la méditation sur ce qu'elle nous montre, nous offre ou nous (re)prend sont autant d'exigences d'une foi qui, dans sa quête, cherche à se nourrir, à s'approfondir et à se renouveler. La Nature est le premier guide et l'intime amie de la foi. Ainsi Dieu a-t-Il décidé d'exposer Son Prophète (SAW), dès son plus jeune âge, aux leçons naturelles de la Création, conçue comme une école où la conscience appréhende peu à peu les signes et le sens.

Très loin du formalisme des rituels religieux sans âme, cette éducation, par et dans la proximité de la Nature, développe une relation au divin qui s'appuie sur la contemplation et la profondeur et qui permettra, plus tard, dans un second moment de l'éducation spirituelle, de comprendre le sens, la forme et les finalités du rituel religieux. Eloignés de la Nature, dans nos villes et nos cités, nous semblons aujourd'hui avoir oublié le sens de ce message, au point d'inverser dangeureusement l'ordre des exigences et de penser que l'enseignement des techniques et des formes (prières, pèlerinages, etc.) suffit à appréhender et à comprendre leur sens et leurs finalités. Une méprise aux conséquences graves, puisqu'elle finit par vider l'enseignement religieux de sa substance spirituelle qui devrait en être le coeur."

Extrait de "Muhammad, vie du Prophète. Les enseignements spirituels et contemporains" de Tariq Ramadan. Editions "Presses du Châtelet"

 

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